back to blog arrowretour au blog

Comment lire la Bible ? Y a-t-il une bonne manière de la lire ?

Pourquoi lire la Bible ? Comment s’y prendre ? Quelles sont les différentes formes de lecture ? Par où commencer ? Réponses et éclairage du père Gérard Billon, président de l’Alliance biblique française.

La Croix : Quel est l’intérêt de lire la Bible ?

Père Gérard Billon* : Découvrir le livre qui a irrigué notre culture et notre civilisation. Pour le croyant, l’intérêt est de se « retremper » dans l’identité que nous recevons de Dieu, qui nous a créés et sauvés, et qui nous aime.

  1. G. B. : J’en distinguerai trois. On peut tout d’abord lire la Bible comme on lit un roman. Cette lecture ne demande pas de compétence particulière. On choisit un livre dans cette grande bibliothèque (qui en compte plus d’une soixantaine) et on le lit du début jusqu’à la fin. On a le choix parmi plusieurs genres : les récits (la Genèse, l’Exode, les livres des Rois ou celui de Samuel, celui de Jonas ou de Tobie, les Évangiles, etc.), la poésie et les sagesses (les Psaumes, le Cantique des Cantiques, les Proverbes, etc.) et le genre épistolaire (les lettres de Paul, Pierre et Jean dans le Nouveau Testament). Parmi les évangiles, celui de Marc est le plus court : on peut le lire en environ deux heures. D’autres textes sont moins faciles d’accès, comme les textes juridiques du Deutéronome ou du Lévitique ; ou comme les prophéties d’Isaïe, de Jérémie, Ézéchiel… 

La deuxième façon d’aborder le texte biblique est la lecture croyante, qu’on appelle la lectio divina (« lecture sainte »), dont les règles ont été formalisées par les moines au Moyen Âge. Cette méthode consiste à lire le texte en le laissant venir à soi, en le parcourant comme on contemple un paysage. On s’arrête sur des mots, des phrases qui nous touchent particulièrement… À partir de là, on peut entamer une conversation avec Dieu, en laissant monter des questions, une prière ; puis on laisse son cœur, son esprit, son âme ouverts à ce que Dieu veut nous dire à travers ce texte…

Enfin, la troisième et dernière lecture est scientifique. On l’appelle « exégèse » (d’un mot qui veut dire « explication »). Elle aborde le texte sous l’angle historique, littéraire… L’exégèse cherche à comprendre le sens du texte et à proposer des interprétations.

Y a-t-il une bonne manière de lire la Bible ?

IMG_7069

  1. G. B. : Oui, la bonne manière de la lire est de respecter le texte, sans se précipiter sur une explication ou une interprétation, forcément réductrices. La lecture fondamentaliste, par exemple, consiste à prendre le texte au pied de la lettre. S’imaginer que la terre a été créée en sept jours fait passer le lecteur à côté du caractère poétique du texte, qui joue sur les mots et mobilise des images…

Si la Bible entre en contradiction avec les connaissances scientifiques, la bonne question est de savoir ce qu’elle veut nous dire au fond. Quand le mathématicien, physicien et astronome Galilée découvre que la terre tourne autour du soleil, il est condamné par l’Église car il semble contredire la Bible, alors que celle-ci s’exprime dans un autre registre : la question qu’elle aborde n’est pas tant « comment le ciel va » mais « comment on va au ciel ». Lire la Bible, c’est accepter qu’elle déplace notre regard sur Dieu, sur les autres, sur le monde.

 

Quelle Bible faut-il choisir ?

  1. G. B. : Les traductions dépendent de la relation qui s’instaure entre le lecteur et le texte. Une première catégorie de bibles tire le texte vers le lecteur pour faciliter la compréhension. Je conseillerais ainsi La Bible Nouvelle Français courant, dont la traduction aplanit les difficultés de langage. La Bible Traduction officielle liturgique est aussi accessible car elle est faite pour la lecture publique. La seconde catégorie tire le lecteur vers le texte. Il doit faire un effort pour en comprendre le sens mais il est bien accompagné pour y parvenir. La Bible de Jérusalem ou la TOB (traduction œcuménique de la Bible) comprennent ainsi de nombreuses notes qui expliquent le contexte historique, culturel et théologique ; elles s’accompagnent de références croisées avec d’autres passages bibliques.

 

Existe-il une tradition de la lecture individuelle de la Bible ?

  1. G. B. : Non, elle était rare car le matériau pour fabriquer les rouleaux (peau d’animal ou papyrus) était très onéreux, puis elle sera facilitée par l’arrivée des codex, un livre dont les pages sont reliées au début de notre ère. On trouve une rare trace de cette lecture privée dans l’Ancien Testament. Le roi Joakim se fait lire un rouleau des oracles du prophète Jérémie, mais le propos lui déplaît. Alors, il découpe au canif le morceau de texte qu’on vient de lui lire et il le jette dans un brasero, montrant son mépris (Jérémie 36)…

 

Et la lecture publique ?

  1. G. B. : C’est la première vocation du texte biblique. Sa lecture a un pouvoir spécifique, celui de transformer les auditeurs en leur rappelant qu’ils forment un peuple avec une identité propre. Elle est source de cohésion. On en trouve des traces explicites dans l’Ancien Testament : au pied du mont Sinaï, Moïse partage au peuple les paroles qu’il a reçues de Dieu (Exode 24) ; à Jérusalem, le roi Josias fait de même (2 Rois 23) et le scribe Esdras lit le « livre de la loi de Moïse »pendant plusieurs jours devant le peuple rassemblé (Néhémie 8).

Dans le Nouveau Testament, on voit Jésus lire un passage du prophète Isaïe à la synagogue (Luc 4) puis en faire un commentaire. On apprend ainsi que, à l’époque du Christ, toute personne sachant lire pouvait proclamer le texte sacré et le commenter.

La lecture des textes saints en public a forgé le sens des mots « synagogue » et « église ». Le premier décrit le mouvement de gens disséminés qui se regroupent pour écouter la parole de Dieu. Le second insiste plus sur l’appel même de la Parole qui rassemble les gens.

 

*Le père Gérard Billon est le président de l'Alliance biblique française depuis 2018. 

Copyright et article tiré du Journal La Croix
Propos recueillis par Gilles Donada
Lien vers l'article