Entretien avec Marie-Josèphe Dubertret, une enseignante agrégée d’espagnol à la retraite, est responsable de l’équipe de l’aumônerie catholique de la maison d’arrêt de Villepinte, près de Paris.
Dans cette maison d'arrêt de Villepinte, il y a 950 détenus pour 650 places. La cellule par personne est donc un rêve. L’expérience de la promiscuité, la cohabitation avec un inconnu est extrêmement brutal.
ll n’est pas exagéré de dire que, pour certains, la Bible est vitale.
« Qu’est-ce que la Bible apporte aux détenus ? Certains disent qu’ils la lisent tous les jours et que ça les maintient en vie. Dans un moment comme celui-là, de grand dénuement, on est beaucoup plus ouvert. Quand on a une aussi grande soif, on reçoit beaucoup. »
Le pasteur Mas Miangu, aumônier régional protestant pour la région parisienne rattaché à la prison de la Santé, à Paris, est du même avis : « Quand les détenus arrivent en prison, ils sont confrontés à la même chose : l’isolement. La souffrance intérieure. Quand on est dans cette souffrance, on cherche quelque chose à quoi se raccrocher. »
Pour qui ne connaît pas le monde pénitentiaire, toutes les prisons se ressemblent. Mais il y a en réalité trois catégories : la maison d’arrêt, le centre de détention et la centrale.
Le groupe biblique
« C’est en maison d’arrêt que c’est le plus difficile, poursuit le pasteur Miangu. En maison d’arrêt, le détenu sort de garde à vue, il ne sait pas ce qui lui arrive, ce qu’il va devenir ni comment il va tenir. Il est là pour quatre mois renouvelables à de multiples reprises. Il ne sait pas combien de temps il va rester là. Alors qu’en centre de détention ou en centrale, on sait qu’on est là pour un moment. On veut passer son temps de détention dans le calme. Et les aumôniers peuvent travailler avec les détenus sur la durée. »
Cependant, dès la maison d’arrêt, des études bibliques peuvent être proposées aux détenus. C’est le cas à Villepinte. Chaque samedi, le groupe biblique catholique réunit 20 à 25 détenus.
A l’Alliance biblique française, le pasteur Miangu charge des cartons de bibles destinées aux détenus (à gauche) / Œuvre de détenu (site de l'IPCA)
« Le groupe biblique, c’est sympa mais sérieux, on ne vient pas pour blaguer, explique Mme Dubertret. Pendant une heure et demie, les détenus s’écoutent, et je suis frappée par le grand respect qu’ils ont les uns pour les autres dans l’échange. Quand on est dans sa cellule, on est seul face à la Parole. Alors ça vous touche bien sûr, ça vous aide à vivre, ça vous nourrit, mais le faire ensemble c’est une autre expérience, c’est l’expérience de la communauté. »
Un lieu de partage
Le groupe biblique est également le moment où ils peuvent évoquer leurs histoires, parfois très dures : le fait pour certains latinos d’avoir servi de « mule » (passeur de drogues entre frontières) pour financer les études d’un enfant, pour payer des soins médicaux indispensables mais non pris en charge, pour rembourser une dette…
« Pouvoir dire à d’autres cette souffrance-là, cette humiliation-là, la porter ensemble dans la prière est infiniment précieux : être écouté, c’est très valorisant », souligne Mme Dubertret.
Une période de réflexion et d’écoute. C’est bien ainsi que le pasteur Miangu voit, lui aussi, la prison. « Souvent, je dis aux détenus : “Prenez un peu de temps pour vous.” Alors ils s’interrogent, ils réfléchissent. En sortant, ils ne seront plus les mêmes. Ils se rendent compte qu’on ne peut pas vivre seul. On est un homme en relation, et il faut savoir entretenir ces relations. Pendant ces moments-là, la Bible est un très bon outil car elle aborde ces questions. »
« Les détenus sont confrontés à des questions existentielles : la dignité de l’homme, le droit, la justice, la faute, l’échec, le sens de la vie… Quand ils partent, la Bible a été en général un compagnon de route. Qu’est-ce que ça va devenir ? Je n’en sais rien… A la grâce de Dieu… », conclut Mme Dubertret.
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