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Aimer Dieu de toute sa pensée

Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton être et de toute ta force. 

L’éthique chrétienne trouve une excellente synthèse dans la célèbre invitation à aimer Dieu de tout son être et son prochain comme soi-même. Cette formule a son origine dans deux citations de l’Ancien Testament (Dt 6.5 et Lv 19.18). En ce qui concerne l’amour envers Dieu, il est intéressant de se pencher sur les « lieux » desquels cette amour peut émerger. Et la richesse est plus subtile qu’il n’y parait. Dans Deutéronome 6, trois sources sont évoquées ; il s’agit d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme et de toute sa force. C’est une évocation des dimensions spirituelle (le cœur), psychique (l’âme) et physique (la force) ; on pourrait donc dire de la globalité de l’être humain.

 

Mais dans les reprises évangéliques (Lc 10.27 ; Mt 22.37 ; Mc 12.33), il y a des nuances… et des ajouts, puisque qu’il s’agit aussi d’aimer Dieu de toute sa pensée ! Dans l’évangile de Marc, un scribe interpelle Jésus sur le plus grand commandement et Jésus répond donc qu’il s’agit d’aimer Dieu de tout son cœur, de toute son âme, de tout sa pensée (dianoia en grec) et de toute sa force… Ce à quoi le scribe répond : « C'est bien, maître ; tu as dit avec vérité qu'il est un et qu'il n'y en a pas d'autre que lui, et que l'aimer de tout son cœur, de toute sa pensée (sunesis en grec) et de toute sa force, et aimer son prochain comme soi-même, c'est plus que tous les holocaustes et les sacrifices » (Mc 12.33). Le scribe, qui connait le Deutéronome par cœur et qui prononce tous les jours le shema Israël d’où vient la citation (Dt 6.5) est gêné de ne pas retrouver trois « tout », donc il en enlève un (tout en acceptant de remplacer l’âme par la pensée). Mais il importe aussi de noter qu’il apporte un autre changement. Quand Jésus évoque (et ajoute) le fait d’aimer de toute sa pensée, c’est le mot grec dianoia qui est utilisé, mais dans la réponse du scribe, c’est sunesis qui est employé.

 

Aimer Dieu de toute sa pensée, c’est ajouter à la dimension émotionnelle de l’amour une dimension plus profonde qui inclut une véritable réflexion, une intelligence de la foi. La dianoia évoquée par Jésus fait appel à cette intelligence globale qui inclut les facultés de raisonnement, de sentiment, de jugement, de volonté. Elle pourrait se rapprocher de la théorie des intelligences multiples mise au jour ces dernières décennies… Peut-être que c’est parce que l’objectif est trop ambitieux que le scribe évoque en retour la sunesis. Celle-ci évoque aussi la pensée, l’intelligence, mais de manière plus modeste et restreinte, se focalisant sur la notion de compréhension. C’est déjà très bien, puisque Jésus au Temple à 12 ans est loué pour sa sunesis (Lc 2.47). Il n’empêche, l’objectif posé par Jésus demeure d’un amour pour Dieu total qui passe entre autres par une lecture de la Bible réfléchie, analytique, cohérente et sage.

 

@Par Gabriel Monet, doyen de la Faculté adventiste de théologie de Collonges-sous-Salève.