Contexte
Élie est fatigué et déprimé. Il croyait avoir bien servi Dieu en massacrant les prêtres de Baal. Mais cela lui coûte cher politiquement parlant. Il va se heurter au pouvoir de la reine Jézabel qui veut le tuer. Du coup, il a peur, lui qui était si combattif auparavant devant les prêtres de Baal et il fuit au désert pour sauver sa vie. Il part avec un serviteur, puis découragé, il préfère rester seul.
Au bout d’un jour de marche, il a un goût de suicide dans la bouche : « Maintenant ? Seigneur, c’est trop ! Je ne suis pas meilleur que mes ancêtres. Prends ma vie. » Puis il se couche, il fuit la vie consciente en se réfugiant dans le sommeil sous un petit arbre. On songe alors à Jonas (4.3) très en colère devant la bonté de Dieu envers les gens de Ninive : « Maintenant, Seigneur, laisse-moi mourir. Oui, je préfère la mort à la vie. » Mais ce sont des mots, car Jonas ne s’endort pas. Il est au contraire très actif et curieux. Il sort de la ville et va voir ce qui se passe. Le prophète Élie est plus sincère. Il dort d’épuisement et de tristesse.
Une visite surprise
Le désert n’est pas la grande ville de Ninive. Il n’y a pas foule. Pourtant un envoyé de Dieu passe par là, un « ange », dit-on dans la Bible, et il touche Élie pour le réveiller et le mettre debout. « Lève-toi ! » C’est le même verbe qui sera utilisé pour Jésus à la résurrection. Verbe qui invite à la libération. Le sommeil est une image de la mort. La position debout est celle de l’éveil à la vie. Mais comme le prophète est épuisé par la marche et la peur, l’ami de passage lui ordonne de reprendre des forces : « Mange ! » Élie ne se lève pas encore, mais il voit près de sa tête une galette cuite sur des pierres chauffées et de l’eau. C’est alors qu’il obéit et se lève pour manger. Mais il se recouche.
Or, l’ange renouvelle sa demande et lui explique pourquoi. Le voyage va être long. Il ne s’agit pas de démissionner devant la mission confiée par le Seigneur. C’est le « choisis la vie » du Deutéronome 30.19. Et cette fois, Élie obéit pour de bon. Il mange et il boit. Il retrouve des forces et son amour brûlant pour le Seigneur. Aussi va-t-il avoir le courage de marcher 40 jours et 40 nuits jusqu’à la montagne de Dieu. Quarante : un chiffre de plénitude !
L’amour brûlant du prophète pour Dieu
L’ange a disparu mystérieusement. C’est le Seigneur lui-même qui va se révéler au prophète. Dans le passage précédent, Élie n’avait pas perdu contact avec le Seigneur. Désespéré, il avait prié : « Seigneur, prends ma vie ! » Mais le Seigneur ne l’avait pas exaucé. Ou plutôt il l’a écouté en lui rendant des forces et en lui restituant sa liberté. La tristesse l’accablait et l’avait rendu étranger à lui-même. La nourriture et la boisson l’ont restauré dans sa dignité et lui ont permis de venir à la rencontre du Seigneur sur l’Horeb au terme d’une marche éprouvante.
Le silence provisoire de Dieu
Notons que cette étape se déroule dans le complet silence de Dieu. Ce genre d’expérience arrive aussi dans nos vies. Nous croisons quelquefois la mort, et Dieu semble absent. Pourtant il ne dort pas, malgré les apparences. Il nous entend si nous demeurons dans l’espérance.
À partir du verset 9, le Seigneur va parler. Il ne va plus s’agir de galette cuite ni d’eau potable, mais de la présence ineffable du Seigneur de l’univers. Nous passons là à une autre nourriture : celle de l’amour brûlant du Seigneur qui répond à l’amour brûlant de son prophète. Mais cette révélation ne va pas s’opérer dans le fracas cosmique du vent, du tremblement de terre et du feu qui aurait peut-être mieux convenu au tempérament fougueux d’Élie. Non, Dieu va se découvrir dans la douceur d’un souffle léger, ou dans celle d’un fin silence, comme le disent certaines traductions.
La contemplation d’Élie va durer peu de temps. À nouveau, le Seigneur lui demande de reprendre la route, mais toujours par le chemin du désert. Nos vies sont loin d’être un long fleuve tranquille, et le combat pour Dieu dans l’Histoire requiert de ses amis obéissance à sa Parole. Ce n’est pas le moment de dormir, mais celui de combattre le mal, de renoncer aux idoles – et elles sont nombreuses aujourd’hui comme hier – afin de témoigner avec courage du Dieu vivant.
En finale, Élie a conscience qu’il n’est pas éternel mais soumis à la loi du temps. Il sait qu’il va mourir et que le service de Dieu réclame fidélité et continuité. Il choisit Élisée comme disciple, et celui-ci, rempli de son esprit, prendra sa succession quand le moment sera venu.
Copyright : Notre regrettée Lydie Rivière, religieuse Xavière