Méditations

La Bible dans un monde sécularisé et globalisé

Rédigé par Alliance biblique universelle | May 6, 2024 1:16:29 PM

Nombreux sont nos contemporains qui mettent en doute à la fois l’authenticité de la Bible et sa pertinence pour la vie quotidienne. Les jeunes, en particulier, ont du mal avec son langage et sont déroutés par ses textes rapportant des rituels étranges, des lois bizarres et toutes sortes de violence. Dans un monde sécularisé, la Bible semble complètement dépassée.

 

En même temps, les jeunes se sentent profondément concernés par la justice sociale et les questions éthiques. Les pèlerinages ont de plus en plus de succès et on observe un regain d’intérêt pour la spiritualité. Les romans d’auteurs tels que Paulo Coelho sont appréciés dans le monde entier. Les jeunes sont à la recherche du mystère, mais ils se méfient de toute autorité.

 

  • Comment pouvons-nous, personnellement et en tant que Sociétés bibliques, mettre la Bible davantage à la portée de nos (jeunes) contemporains qui la trouvent inaccessible ?
  • Comment présenter la Bible à notre époque ?
  • Quel langage avons-nous intérêt à employer pour parler de la Bible ?
  • Pour mieux réfléchir à tous ces enjeux, il est bon d’examiner la place de la Bible dans la culture et les médias contemporains, ainsi que la place qu’elle tient au sein de l’Eglise dans un contexte sécularisé et mondialisé.
  • Quelle idée les gens se font-ils de la Bible ?
  • Et quels effets leur idée de la Bible a-t-elle sur leur manière d’envisager la vie ?

 

La Bible dans notre culture et dans les médias

L’usage que font les médias du mot « bible » (avec un b minuscule) nous donne des indications sur ce que les gens associent (ou sont supposés associer) à ce terme. Lorsque, par exemple, un livre de cuisine est appelé une « bible », on sous-entend que cet ouvrage fait autorité sur le sujet, qu’il est exhaustif et complet, qu’il contient des idées originales et repose sur des connaissances spécialisées. A l’exclusion de l’aspect autorité, cela semble être pour les médias le modèle de l’idée que l’on se fait de la Bible.

La Bible est souvent considérée comme faisant partie des grands classiques, à l’instar des œuvres d’auteurs célèbres, comme un emblème de la culture et de la civilisation. La Bible n’est pas considérée en premier lieu comme la propriété de l’Eglise ou de la synagogue mais elle est là, sur la table, comme un bien public. Toutes les interprétations de la Bible deviennent pertinentes – pourquoi l’une vaudrait-elle mieux qu’une autre ?

Nombreux sont ceux, en tout cas dans les cultures occidentales, qui tiennent à avoir leur propre point de vue, indépendant, et fondé sur la compréhension personnelle plutôt que sur l’autorité de la société ou de l’Eglise. Ils portent un regard critique sur la Bible, en fonction de leurs propres normes. Et ils demandent, par exemple, pourquoi le statut de la femme était si faible dans les sociétés reflétées dans l’Ancien Testament, et pourquoi la Bible semble accepter cela.

 

Bien des sociétés se réfèrent aujourd’hui à la Bible, par exemple dans l’éducation, en raison des valeurs qu’elle prône. La Bible ou du moins certaines de ses parties sont très présentes dans la littérature, l’art et la musique. Mais cela signifie-t-il réellement que la Bible a un impact sur notre culture et sur la vie de nos contemporains ?

De nombreuses sociétés ne reconnaissent à la Bible aucun statut d’autorité morale. La Bible n’a pas le droit de dire ce que la société ne veut pas entendre dire. On demande aux valeurs morales de la Bible de coïncider avec les valeurs qui sont celles de notre époque et de notre culture. Cela n’empêche que la Bible dans sa généralité reste appréciée dans bien des cultures. La création, le déluge, le génocide, Saül et David, l’exil… tous ces contenus sont reçus comme des expressions fortes de la condition humaine, bien que la Bible soit souvent considérée comme un livre mettant en scène des personnages et non des personnes réelles. Pour le dire avec les termes employés par une personne lors d’un entretien : « La Bible n’est pas “vérité” pour moi. C’est de la littérature, qui aide à comprendre le monde et la vie. Le livre de l’Exode représente la recherche d’un chemin de vie. »

L’utilisation de la Bible qui est parfois faite dans nos cultures présente donc des inconvénients. Il est facile d’utiliser la Bible avant tout comme un recueil de citations ; mais la variété des livres qu’elle comprend et leurs messages respectifs sont largement méconnus. La société estime souvent avoir la Bible de son côté alors que la Bible n’est utilisée que lorsqu’elle coïncide avec la culture et confirme des idées générales qui ont déjà cours, par exemple sur la condition humaine, les relations humaines et la tolérance. La Bible est considérée comme un livre humain, et on ignore souvent que justement, c’est le divin qui est la préoccupation centrale de la Bible.

 

Le « retour » de la religion

Dans notre monde globalisé, la religion revient sur l’avant de la scène (après l’athéisme socialiste et communiste). Certains milieux chrétiens saluent ce fait avec un sentiment de triomphe. Il y a une nouvelle génération qui n’a aucune rancune contre l’Eglise. La religion est de retour. Pourtant, et c’est peut-être une conséquence, l’intolérance, les guerres et le fanatisme religieux ont également augmenté. C’est pourquoi les personnes appartenant à des sociétés sécularisées font souvent preuve de beaucoup de scepticisme à l’égard de la religion organisée – de toute religion, y compris le christianisme – et des livres sacrés, y compris la Bible. La religion organisée leur est indifférente car ils préfèrent leur propre spiritualité et le « développement personnel » assortis de la liberté de choisir et d’interpréter.

 

La Bible et l’Eglise

Ces conceptions largement répandues sont extrêmement différentes du discours des Eglises sur la Bible. Beaucoup d’Eglises, particulièrement mais non exclusivement l’Eglise catholique romaine, estiment que l’interprétation de la Bible n’est pas l’affaire des seuls individus, coupés de la communauté et de la tradition. Au contraire, la Bible a besoin d’être interprétée par l’Eglise. C’est l’Eglise qui a donné forme à la Bible, il incombe donc à l’Eglise de l’interpréter. Ainsi, la communauté ecclésiale est un sujet de l’interprétation de la Bible et elle façonne l’enseignement traditionnel de l’Eglise concernant la Bible.

Même les Eglises qui encouragent leurs fidèles à lire la Bible par eux-mêmes et à y puiser des enseignements spirituels ne manqueront pas de valoriser la Bible comme l’ultime Parole de Dieu faisant autorité.

 

En résumé, l’Eglise soit considère qu’elle est elle-même l’autorité en charge de l’interprétation de la Bible, soit renvoie à la Bible comme l’ultime Parole de Dieu faisant autorité.

Dans notre monde sécularisé et globalisé, tout cela est souvent perçu comme une approche autoritaire et intolérante. Nombreux sont ceux qui, aujourd’hui, donneraient la préférence à la pluralité des approches et à la liberté pour chacun de choisir. Alors, quel langage adopter dans nos efforts de promotion et de défense de la Bible ?

 

Notre langage concernant la Bible

Si notre conversation sur la Bible part de la notion d’autorité ou de celle de l’autorité de l’Eglise en matière d’interprétation, beaucoup de ceux qui vivent dans ce qu’on appelle des sociétés sécularisées risquent de ne pas être réceptifs à la Bible et à son message. Ils considéreront la Bible comme un recueil de règles et de commandements auxquels ils sont censés se soumettre.

En revanche, nos (jeunes) contemporains seront sans doute bien plus réceptifs à la Bible et à son message si nous laissons la Bible parler elle-même :

  • de la vie des personnes dont elle parle,
  • de leurs luttes et difficultés,
  • de la manière dont leur vie avec Dieu les a transformés,
  • des injustices dans les sociétés.

La Bible devient alors un récit où des personnes qui nous ressemblent vivent leur foi et surmontent ensemble des questions et des problèmes, avec l’aide de Dieu.

Par exemple, pensons au livre de Job. Job et ses amis débattent sur la question de savoir comment donner du sens à sa souffrance. Les Psaumes et l’Ecclésiaste sont, entre autres, à la recherche du sens et du but de la vie. Le texte devient alors dialogue, et le lecteur devient participant de ce dialogue. Amos exprime une passionnante critique de l’injustice sociale. Dans de nombreuses cultures, notamment au sein du monde musulman, les prophètes et leur vie avec Dieu sont considérés comme particulièrement importants. Dans de tels contextes, les récits bibliques concernant des personnages clés (par exemple Noé, Abraham, Joseph, Moïse, David, Salomon, Marie, Jésus, ainsi que les prophètes) peuvent vraiment être très parlants pour les gens.

 

Est-ce que cela signifie que la lecture de la Bible en sera plus confortable ? Non ! Par son authenticité, la Bible nous mettra également face à nos propres manquements, pensées et intentions. Ces dernières sont-elles pures, ou avons-nous des arrière-pensées plus égoïstes ?

 

Est-ce que cela signifie qu’une lecture individuelle de la Bible, hors de tout contexte communautaire, est suffisante ? Non ! En lisant la Bible comme une fenêtre sur ou un miroir de la vie personnelle, le lecteur sera immanquablement conduit à la dimension sociale ; dans la Bible elle-même, il s’agit d’expérience communautaire, de cheminement, de foi. Mais le fait de commencer par une approche personnelle du texte biblique, libre de tout « obstacle autoritaire », peut briser les verrous pour nombre de nos (jeunes) contemporains.

 

Vivante, en effet, est la parole de Dieu, énergique et plus tranchante qu’aucun glaive à double tranchant. Elle pénètre jusqu’à diviser âme et esprit, articulations et moelles. Elle passe au crible les mouvements et les pensées du cœur.
Hébreux 4.12, TOB