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Playdoyer pour le mouvement de la joie

Chaque fois que l’on pose avec attention les yeux sur une séquence biblique, on voit que la réalité que Dieu donne à vivre échappe complètement à notre contrôle ou à notre raison raisonnée...

Chaque fois que l’on pose avec attention les yeux sur une séquence biblique, on voit que la réalité que Dieu donne à vivre échappe complètement à notre contrôle ou à notre raison raisonnée. Cette réalité vient percuter notre
perception du vivant au travers de l’expérience domestique, là où la révélation d’une évidente profondeur de la foi s’épanouit dans des choses simplissimes : le repos, le sommeil, un verre d’eau, des poissons grillés sur une plage, un départ, un rêve ou une image, une discussion de bord de fenêtre à la nuit tombée, une conversation dans une ruelle l’été, un verre de vin frais, un enfant qui écoute assis dans l’herbe, une robe en lin, une chaise, un bol, un sac de linge, un pain fraichement coupé, un mot dit juste à temps.

 

Notre réalité est le territoire constant de la révélation. Notre vie domestique s’illumine de cette contradiction magnifique : si on ne peut comprendre la réalité de Dieu de manière terrestre, on peut sensément l’apprivoiser par le biais de l’intuition de notre foi. Cela revient à être sentinelles et vigilants sur l’infime de chaque jour, dans le mouvement de ce que l’on sent, ce que l’on voit, ce que l’on touche, dans l’élan de ce que j’aime appeler l’enchantement simple d’un émerveillement ordinaire.


«Car c’est en lui que nous vivons, que nous bougeons, que nous existons. C’est bien ce que certains de vos poètes ont également affirmé […] »
(Actes 17.28)

Vivons, donc. En complétude, en appétit. Et bougeons, du latin tardif bullicare, qui a donné bouillir : bouger pour quitter l’immobile, laisser notre cœur se déplacer vers un territoire à découvrir, à défricher, amorcer un vif changement, délier notre élan de vie, sortir de l’inerte et du niais. Pour enfin exister, en vrai. Exister, forme dérivée de stare, se tenir debout, être stable, être au présent, jouir d’une vraie réalité de nous-mêmes, en plénitude.

 

Le vivant est mouvement, en nous et alentour de nous, constamment. Et chaque fois que la force du vivant nous déroute, nous dérange, nous déloge, nous réveille ou nous blesse, nous avons l’opportunité radieuse de nourrir notre aptitude à être au monde, en dévisageant pleinement cette réalité de vie que Dieu donne à goûter. Il s’agit d’activer ces deux clés fondamentales qui articulent notre choix de foi : le mouvement et la joie, à l’exact opposé de l’inertie et de la plainte. Le retour à la vie, c’est le mouvement et la joie, pôles splendides et domestiques de l’espérance vivante.

 

@ PAR VINCENT SMETANA, chroniqueur pour l’émission radio Solae sur France Culture et auteur du livre Toujours le mot pour dire aux Éditions Bibli’O